« Dieu, famille, patrie ». Alors que Giorgia Meloni souffle sa première bougie, les italiennes retiennent leur souffle. « En fin de compte, c’est une chose positive que, pour la première fois, ce soit une femme aux fonctions de chef du gouvernement, estime Giorgia Serughetti, qui enseigne la philosophie politique à l’université Milano-Bicocca. Mais de là à dire que c’est un pas en avant pour les femmes, c’est une autre chose. »
"LE TEXAS EN EUROPE" : L'OMBRIE, UN MACHISME NÉOFACISTE ORGANISÉ CONTRE L'IVG
À quelques kilomètres de Rome, il y a l’Ombrie. Cette région en plein coeur de l’Italie, est un véritable laboratoire du néofascisme puisque la présidente de la région, Donatella Tesei, est une membre de la Ligue, le parti de Matteo Salvini. Dans tout le pays les femmes ont le plus grand mal à avorter alors qu’elles en ont le droit depuis 1978. “le Texas en Europe” et le constat est clair : l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) est plus que jamais menacé. “Nous, on a la rage. C’est notre moteur”, s’exclame Paola Gigante, présidente de la Casa delle Donne (Maison des femmes). C’est elle qui a crée en 2014 ce lieu unique qui fonctionne sans aucune subvention de la mairie mais seulement grâce à la sororité de ses bénévoles. Face à elles : un Etat écrasant, parce que le droit à avorter aura nécessité des compromis, dont le plus important est l’objection de conscience. Aujourd’hui, près de 65 % des gynécologues italiens se déclarent objecteurs, sans compter les anesthésistes et les sages-femmes. Résultat : selon les chiffres du ministère de la Santé, en 1982, on dénombrait 234 801 IVG, contre 66 413 en 2020, soit une baisse de près de 72 %.
Avec une élection arrive l’espoir. Mais 2022, Giorgia Meloni est élue et les femmes ont la peur au ventre. “Je n’ai jamais dit que je voulais modifier la loi 194. J’entends au contraire l’appliquer”. Avec l’IVG, elle se veut conciliante. Pourtant rien ne rassure Tommaso Bori (centre gauche) conseiller régional de l’Ombrie. “Une proposition de loi qui prévoit de reconnaître la qualité juridique de l’être humain dès la fécondation a été déposée. Le gouvernement prépare aussi une loi sur la famille, traditionnelle, bien sûr, alors que jusqu’ici nous parlions 'des' familles.”
MELONI CONTRE LES FEMMES
C’est aussi la composition du gouvernement qui en dit long. On comprend que Meloni n’est pas une alliée. On comprend que sur 24 ministres seulement 6 sont des femmes à des postes mineurs. On comprend que les ministères régaliens sont à la main d’hommes (coucou Attal) alors que les femmes peuvent être au mieux ministres de la famille et de l’enfance. On comprend que la femme a une place et elle doit y rester sans rechigner. Alors que les femmes n’ont pas accès au pouvoir, il les entrave. Dès mars 2023, les premières inquiétudes surgissent. Dans un pays qui interdit la GPA (Gestation pour autrui), ainsi que la PMA (Procréation médicalement assistée) : le gouvernement demande à Milan de ne plus enregistrer les naissances d'enfants issus de couples de même sexe. En juillet 2023, c’est même le nom d’une des mères qui peut même être effacé des actes de naissance dans les couples lesbiens. Une femmes contre les femmes.
ARMÉES CONTRE LES VIOLENCES : LES ASSOCIATIONS ET LES JOURNALISTES
Un observatoire des féminicides, des lesbicides et des transcides en Italie est organisé depuis 2013 par l’association “Non Une Di Meno”. À ce jour, l’Observatoire a enregistré 120 féminicides. Préciser les noms des victimes, la relation avec le tueur et l’arme, est essentiel pour l’association. Une particularité se dessine : les féminicides commis avec une arme à feu. Ce n’est pas qu’“en France, qu’un tiers des victimes de féminicides conjugaux ont été tuées par arme à feu”, comme titre le reportage d’Amnesty International publié en décembre 2023 par Laurène Daycard et Fanny Marlier. Les journalistes sont claires : malgré une législation réputée pour être l’une des plus strictes d’Europe, les armes à feu passent sous les radars dans les statistiques ministérielles. Elles réussissent néanmoins à trouver des données publiées tous les ans par la Délégation aux victimes (DAV). Il s’agit du mode opératoire dans 30 % des 606 féminicides conjugaux, enregistrés entre 2018 et 2022, selon les données de la DAV. Ce qui en fait l’arme privilégiée, après les objets contondants – type couteau de cuisine – utilisés dans 35 % de ces crimes comme le féminicide de Giulia Cecchettin. En novembre 2023, ce féminicide italien est parvenu à ouvrir, pour la première fois dans la société italienne, un débat sur les causes systémiques des féminicides et, plus largement, sur le patriarcat.
Comprendre la menace fasciste comme européenne et non seulement italienne est fondamentale. En France, inscrire l’avortement dans la Constitution semble par exemple une priorité quand nos voisines peinent encore à faire respecter leurs droits dans certaines régions, comme l’Ombrie. Pourtant, ce mardi 23 janvier, Gérard Larcher, président du Sénat, s’est dit contre l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution française dans un pays où 15 000 personnes se sont rejoint pour s’opposer à l’avortement à Paris ce dimanche 21 janvier.
"IL RESTE ENCORE DEMAIN", ET L'ESPOIR RENAÎT
Plus de 300 000 entrées en France pour Le Consentement. Quelque mois plus tard, la surprise est italienne. C’è ancora domani (Il reste encore demain) réalisé par Paola Cortellesi aux 5 millions d’entrées raconte les violences conjugales. Un écho glaçant au féminicide de Guilia Cecchettin en novembre 2023. Les violences conjugales reviennent au coeur du débat. C’est par une gifle dans un lit conjugal, aussi retentissante qu’inattendue, que Paola Cortellesi, fait son entrée dans la réalisation. En France c’est le 13 mars que le film fera son entrée dans nos salles et c’est la même gifle qui nous ramènera à la réalité d’un problème italien, français, européen mais surtout universel.
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