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OPÉRATION DOPPELGÄNGER, L’INTOXICATION RUSSE EN EUROPE

Photo du rédacteur: Allan MoutetAllan Moutet

Doppelgänger est un mot allemand signifiant “sosie” ou “jumeau maléfique” dans le folklore germanique. C’est aussi le nom donné à l’opération de clonage de médias occidentaux par des hackers russes, afin de propager désinformation et propagande pro Kremlin dans le cadre de la guerre opposant la Russie à l’Ukraine et les pays de l’OTAN.

"Doppelgänger no.10". Extrait de la série de peintures "Doppelgänger" de Sebastian Bieniek, 2018.
"Doppelgänger no.10". Extrait de la série de peintures "Doppelgänger" de Sebastian Bieniek, 2018.

C’est en septembre 2022 que l’opération est mise à jour par UE DisinfoLab, une ONG qui combat la désinformation en Europe. La technique de manipulation est simple. Il suffit de diffuser de faux articles sur Internet via des copies parfaites de médias connus comme Le Parisien, Le Point ou encore Le Monde. L’agence française de lutte contre les ingérences numériques étrangères (VIGINUM) a dénombré 355 noms de domaines usurpant l’identité des médias français, avec comme responsables des entreprises russes. Mais cette campagne de désinformation a aussi lieu dans de nombreux pays comme en Allemagne, en Grande Bretagne, aux Etats-Unis et en Israël, des Etats qui soutiennent l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie.



OPÉRATION INGÉRENCE


Pour chaque média copié, une vingtaine d’articles anti-occidentaux et contre la guerre en Ukraine sont publiés puis diffusés sur les réseaux sociaux pour avoir un maximum de viralité. Ces faux comptes sont partagés en masse par les ambassades et les centres culturels russes à l’étranger. Mais l'opération ne s’arrête pas là. Des sites d’actualités apparaissent avec des noms à consonance française comme Notre Pays ou La Virgule et propagent de faux articles sur l’actualité politique des pays européens.


Pour avoir un impact significatif sur les opinions publiques des pays attaqués, les hackers ont une capacité d’adaptation très importante. Lors des élections européennes de juin 2024 en France, ils ont su adapter leur propos vis-à-vis de la situation et mettre en avant le Rassemblement National, proche du parti russe, qui selon un faux article du Point “construit une France d’avenir”. Les élections législatives sont aussi l’occasion de tester Copycop qui permet au bot russes d’utiliser l’intelligence artificielle pour écrire des milliers d’articles ensuite relayés sur les réseaux sociaux.



DES INTENTIONS À PEINE MASQUÉES


Certains sites sont mis en avant via l’opération Doppelgänger, tel que TribunalUkraine qui présente en plusieurs langues de soi-disant crimes de guerre perpétrés par l’Ukraine. Les hackers russes publient de faux articles faisant un lien de causalité entre les problèmes présents en Europe tel que l’inflation et les sanctions contre la Russie mises en place dès 2022. Un moyen de discréditer les sanctions afin d’amener l’opinion publique à se soulever pour l’arrêt desdites sanctions, qui seraient, selon ces sites, inefficaces.


Des publications vont plus loin en se faisant les portes voix d’une “majorité silencieuse”. L’objectif est de montrer qu’une large partie de la population soutient en réalité la Russie en relayant des personnalités pro russes comme Thierry Mariani, député européen, ou Florian Philippot, président des Patriotes.



LA POST-VÉRITÉ AU SERVICE D’UNE GUERRE HYBRIDE


Ces faux articles se font le relais de témoignages ou de sondages qui dépeignent une opinion publique européenne soutenant la Russie et pour l’arrêt de l’envoi d'armes à l’Ukraine. Des posts Facebook se font passer pour des ouvriers allemands licenciés et qui insinuent que l'État les a abandonnés en faveur de l’aide à l’Ukraine. 


L'accueil des migrants ukrainiens en Europe est aussi un point qui est attaqué par les hackers russes. En juin dernier, une chaîne Télégram proche du Kremlin a diffusé un faux document provenant du ministère de l’Intérieur qui présentait les Ukrainiens comme impliqués dans des affaires d’escroqueries” en France, ainsi que les bons gestes à adopter en cas d’arnaques. Que cela soit l’immigration, l’inflation, le pouvoir d’achat ou la désinformation, les hackers pro Kremlin utilisent toutes les failles possibles afin d’influer sur l’opinion et les pouvoirs publics.


Cette opération de déstabilisation est dans la suite logique des nombreuses ingérences russes en Europe ou aux Etats-Unis comme lors de l’élection américaine de 2016. Si la Russie ne peut pas frapper militairement l’OTAN et ses démocraties, alors elle le fera par les idées qu'elle implante sur Internet pour favoriser l’émergence d’une opinion publique favorable aux discours du Kremlin. Ces opérations deviennent de plus en plus dangereuses, surtout à l'ère de la post-vérité où la confiance dans les médias est écornée et où les outils de modération sur les réseaux sociaux disparaissent en faveur de discours haineux débridés.



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