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Photo du rédacteurIvanie Legrain

NINI, PAROLE D’UNE FEMME DE LA RUE


Sans-abri depuis plus de six ans, Nini, 55 ans, connaît tout de la rue. Dans un espace toujours plus masculin, elle revient sur le quotidien des femmes ; entre peur, détresse, et solidarité.

© Elma Vergerolle

Dans le Subway où elle a tenu à nous inviter, Nini se remémore son parcours. Parée de son éternel sourire, elle raconte. Les violences intra-familiales. Le manque d’écoute, lorsqu’elle et toutes les autres en ont parlé. Son métier de médiatrice sociale, suivi de sa démission. Son entrée dans le monde des sans-abri, et son envie d’aider, à son échelle.


Du chemin, elle en a parcouru. De Lille à Bayonne en passant par Dijon, depuis 2016, Nini a sillonné la France. Son témoignage, c’est celui d’une centaine d’autres femmes sans-abri ; ses « copaines de rue ».



UNE FEMME SANS-ABRI EST AGRESSÉE TOUTES LES HUIT HEURES

Si la rue semble plutôt masculine, c’est parce que les femmes se cachent pour survivre. La peur est constante, et ce même dans les centres d’accueil. « Là-bas, c’est environ 10 places pour femmes, et 50 places pour hommes. C’est dangereux, je préfère dormir dehors », confie Nini. Contre la promesse de sécurité et d’un peu de nourriture, certaines vont même jusqu’à se prostituer. « C’est malheureux parce qu’on profite d’elles », se désole-t-elle. Dans cet univers, les droits des femmes n’existent plus ; notamment celui à disposer de son corps. Pourtant, malgré les nombreuses agressions et viols, ces victimes vivent la plupart du temps dans le silence. Les Invisibles, c’est le nom que leur donne Nini.


« Les constats sont faits que quand t’es vachement abîmée, ou pire, quand t’es morte », explique-t-elle. Quand on est une femme SDF, porter plainte devient un réel combat. Les accusations sont rarement prises en compte, et dénoncer un agresseur, c'est s’exposer à de potentielles représailles ; aucun suivi n’étant proposé pour assurer leur sécurité. « J’avais cette amie à Bayonne, qui a dénoncé un type. Le mec lui faisait passer des messages par les autres en disant « Quand j’vais sortir -de prison-, tu vas te prendre le double ou le triple » », raconte-t-elle. Dans cet univers où le danger est partout, Nini garde l’espoir d’un accueil permanent pour les femmes de la rue.



« J’AI EU DES PETITS GELS DOUCHE PAR UNE ASSO, J’EN AI RAMENÉ AUX COPAINES »

Les yeux brillants, elle se souvient de ces femmes dans un centre à Dijon, avec qui elle a échangé des recettes. Cette entraide, c’est une des dernières choses qui leur reste. Dans la rue, certaines dorment ensemble. D’autres se partagent leurs conseils. Nini, les plus jeunes l’appellent « Mamie ». C’est dans cette initiative de protéger leur grande famille que plusieurs femmes SDF ont eu l’idée d’un campement exclusivement féminin. Un projet qui n’a finalement pas abouti, notamment à cause des nombreuses expulsions de camps de sans-abris par la police.


Dans la conjoncture actuelle, Nini l’affirme : de plus en plus de femmes arrivent dans les rues, et elles sont de plus en plus jeunes. Face au manque d’actions de la part des ministères, ce sont les associations qui se mobilisent. Nini a ainsi pu profiter de quelques jours de repos au sein d’un centre d’hébergement pour femmes. Là-bas, elle a offert à ses nouvelles amies des échantillons de gels douche. « Des trucs aux huiles essentielles, on a fait les belles ! », sourit-elle.


Nini rit à l’évocation de l’objectif zéro SDF. Elle le sait, le chemin est encore long. Mais pour les femmes, elle refuse de perdre espoir. « En continuant de militer sans violence, on arrivera à quelque chose », affirme-t-elle. Les associations le rappellent : à moins d’un mois du début de la trêve hivernale, il faut s’attendre à une hausse du nombre de sans-abris, dont 38% étaient des femmes lors de la dernière étude de l'INSEE en 2012.


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